Pourquoi les juges sont-ils aussi injustes ?
Vous vous imaginez être un juge?
De décider de la peine (ou non) d’un homme ou d’une femme, de le privé de famille, de liberté pendant 3 5 10 ans…
Et la peine ne s’arrête pas forcément à la sortie, puisque la réinsertion est encore une nouvelle épreuve pour le condamner.
On espère bien qu’avec de telles conséquences, le juge ne se trompe pas !
Et pourtant, on imagine bien que cela arrive, on espère juste que ce n'est pas trop souvent.
Mais alors qu’est ce qui peut faire qu’un juge se trompe ?
En dehors de la complexité de l’affaire, le juge reste un être humain, être humain dont le cerveau est amené à être victime de biais cognitifs.
Et voici quelques-uns des biais cognitifs qu’un juge peut rencontrer lorsqu’il doit juger une affaire :
❶ Suggestibilité
Nous sommes souvent enclins à accepter et agir sur des suggestions de quelqu’un d’autre.
Dans les affaires compliquées où il y a des doutes et des flous qui subsistent. Un juge reçoit beaucoup de suggestions, de la part des enquêteurs, d’avocats, de médecins, pour aider à combler les trous.
Mais comment être sûr de croire la bonne personne ? Ou quelle est la meilleure suggestion ?
❷ Stéréotypes implicites / Association implicite
Nous attribuons inconsciemment des qualités particulières à un membre d'un certain groupe social. Aussi, nous associons automatiquement certaines idées entre elles de manière inconsciente.
Le juge ne connaît pas l’individu qu’il juge pourtant, l’identité, l’histoire de l’accusé doit rentrer en compte dans sa décision.
Donc, pour combler ce manque de connaissance, le cerveau va rattacher l’individu à un groupe social (selon son origine, sexe, classe sociale).
Et inconsciemment lui attribuer les caractéristiques clichées de ce groupe ce qui peut être à son avantage ou tout le contraire.
Pour les mêmes faits, un ouvrier et un cadre seront évalués différemment, pourtant rien ne les empêchent d’avoir les mêmes motivations ou autre.
❸ Biais de cadrage
Le biais de cadrage, c’est le fait de nous formuler une chose de sorte à influencer notre raisonnement quant à cette dernière.
Disons qu’un homme a volé une orange (oui oui) dans une épicerie. Voici les deux versions de l’histoire qui seront présentées au juge.
Celle du commerçant : “petit je n’avais rien, j’ai travaillé tôt et j’ai économisé 10 ans de ma vie pour monter mon affaire. Aujourd’hui ça marche enfin et ce petit voleur se permet de se servir alors que j’ai tout gagné à la sueur de mon front !”
Celle du voleur : “si j’ai volé c’est que je n’avais pas le choix, j’aurais préféré pouvoir payer comme tout le monde. Mais je suis à la rue, j’avais faim donc j’ai volé.”
On voit que selon la manière dont l'affaire est présentée, on peut avoir différents avis dessus !
❹ Biais de confirmation
Nous privilégions les informations qui confirment nos croyances.
Encore un biais qui peut s’avérer très problématique quand on parle de justice.
En effet, si un juge se fait son avis trop rapidement, il est possible que tout ce qui arrive après soit ignoré et qu’il ne cherche qu'à confirmer ce qu’il pense déjà.
En gros, c’est perdu d’avance.
❺ Erreur de la preuve anecdotique
Les preuves anecdotiques sont des preuves tirées d'anecdotes, or, une anecdote ne constitue jamais une preuve en soi.
“J’ai déjà jugé un jeune homme comme lui , je lui avais mis une petite peine, mais aussitôt ressorti, il a recommencé, je vais donc le condamner plus fermement pour être sûr qu’il ne recommence pas.
❻ Biais d’autorité
Nous sur-évaluons la valeur de l’opinion d’une personne lorsque l’on considère qu’elle a une autorité sur ce sujet.
Se baser uniquement sur les dires des médecins, ou prendre plus en considération le témoignage d’une personne que l’on pense (subjectivement et inconsciemment) plus honnête ou plus apte à décrire la vérité plutôt qu’une autre. Cela peut amener le juge à prendre une décision biaisée.
❼ Effet de Halo
Une caractéristique jugée positive à propos d'une personne a tendance à rendre plus positive tout ce que nous jugerons à propos de cette personne.
Une petite expérience a déjà été faite pour décrire ce phénomène dans les tribunaux :
Lors d'une étude , il a été demandé à des participants de faire partie d'un jury factice. Il a été remarqué que lorsqu'une personne était attirante, les personnes désignées en jurés étaient moins convaincus que la personne était coupable et ils leur recommandaient des peines plus légères.
❽ Biais rétrospectif
Erreur de jugement désignant la tendance qu'ont les personnes à surestimer rétrospectivement le fait que les événements auraient pu être anticipés moyennant davantage de prévoyance ou de clairvoyance.
Forcément, une fois que c’est fait, cela parait évident que ça allait se passer comme cela ou que c'était une mauvaise idée.
Donc, on pourrait être amené à se dire que l’accusé savait ce qu’il faisait au moment des faits, ce qui n’est évidemment pas tout le temps le cas...
❾ Erreur défensive d’attribution
Terme qui définit la tendance que peut avoir un observateur à minimiser les faits commis par un autre de peur de se retrouver un jour à sa place.
Une expérience a été menée pour illustrer les faits :
Des chercheurs ont relevé que les participants hommes avaient tendance à moins blâmer les violeurs que les participantes femmes, dans la continuité les hommes avaient tendance à plus blâmer la victime contrairement aux femmes.
Cela s’expliquerait par la peur des hommes de pouvoir un jour se retrouver à la place du violeur.
Ce biais est particulièrement problématique, car même sans dire que l’on cautionne, on peut inconsciemment minimiser la faute.
Conclusion
Bien sûr, cet article ne veut pas discréditer le travail ou les efforts qu’un juge met au quotidien pour être le plus impartial et juste possible.
Cet article veut surtout rappeler que les juges restent humains et donc exposé à faire des erreurs, et que c’est plutôt le système judiciaire qui devrait tenir à l'écart les possibles interférences de ces biais cognitifs !